«Comme nous l’avions prévu, les premiers véhicules seront disponibles en octobre prochain.» Debasis Roy, porte-parole du constructeur indien Tata Motors, est confiant quant à la livraison de la voiture la moins chère du monde. Lancée à grand coup de publicité lors du salon de l’automobile à New Delhi en janvier, la Nano devrait être produite en 40 000 exemplaires à un prix record de 100 000 roupies indiennes (1 500 euros, hors TVA et transport).
La mise sur le marché d’un véhicule si peu cher est redoutée par les défenseurs de l’environnement. «Si cette voiture remplace les grosses cylindrées en circulation alors c’est une bonne chose, mais si ce véhicule se substitue aux deux roues alors ce sera un désastre», dit Soumyabrata Rahut, une des personnes en charge de la communication chez Greenpeace en Inde. Pour l’association écologiste, s’il est légitime que chaque Indien ait sa propre auto, cela ne doit pas se faire au détriment de l’environnement.
Embouteillages. L’ONG demande d’ailleurs au gouvernement de légiférer au plus vite sur la consommation des véhicules afin d’interdire les engins les plus polluants et par conséquent réduire les émissions de CO2. Une requête qui risque de passer à la trappe étant donné que les constructeurs ont pris soin de respecter les normes de pollution locales, qui sont, elles, plutôt laxistes.
Avec la future apparition des voitures low-cost, les métropoles indiennes déjà largement saturées risquent bientôt de ressembler à un gigantesque bouchon cauchemardesque. A Bombay, la capitale économique indienne, un trajet de quelques kilomètres prend déjà plus de deux heures au moment des embouteillages. Vient s’ajouter aussi le problème du parking qui, dans une ville où le prix de l’immobilier est exorbitant, laisse craindre un sérieux casse-tête pour les familles désireuses de passer du deux roues aux quatre roues. Quant aux infrastructures routières, elles sont dans un état désastreux.
Pour se défendre des accusations de congestion et de pollution, les créateurs de «la voiture du peuple» avancent que la Nano est destinée aux familles vivant dans les agglomérations moyennes et n’ayant pas de voitures. Tata Motors annonce même des rejets de CO2 «inférieurs en moyenne de 12 % comparée aux deux roues». «Une voiture transporte quatre personnes alors qu’une moto deux. La Nano est donc moins polluante», assure Debasis Roy. En d’autres termes, chaque Nano vendue retirerait de la circulation au minimum deux motocyclettes. C’est évidemment plus compliqué que ça.
«Business plan». Pour le PDG, Ratan Tata, chacun doit avoir la possibilité d’acheter une voiture low-cost pour qu’il n’y ait plus en Inde de «famille de quatre personnes sur une moto». «La Nano est plus qu’un business plan, c’est un modèle social ! Les gens vont adorer !» s’enthousiasme Darius Lam, chroniqueur indien dans un magazine automobile. Il est vrai qu’en Inde, la voiture est très souvent synonyme d’ascension sociale et de réussite professionnelle. Le marché promet tellement d’être florissant que d’autres constructeurs se sont eux aussi engouffrés dans cette niche. Renault s’est allié à Bajaj, le leader des deux et trois roues en Inde, pour lancer lui aussi une voiture low-cost à peine plus chère… à 2 500 dollars (1 600 euros).
Reste le prix de l’essence. Aujourd’hui, le coût d’un plein et l’inflation (plus de 10 % au cours des derniers mois) sont les seuls freins à l’explosion du nombre d’automobile. Et encore. «Peu de gens vont se pencher sur les critères écologiques. J’ai bien peur que pour des millions de personnes, seul le prix du véhicule à l’achat compte», regrette Soumyabrata Rahut.